Livres 2024 (2)
Voici la suite de mes lectures du printemps:
- Trancher ***: Cela faisait des années qu'elle croyait Aurélien guéri de sa violence, des années que ses paroles lancées comme des couteaux n'avaient plus déchiré leur quotidien. Mais un matin de septembre, devant leurs enfants ahuris, il a rechuté : il l'a de nouveau insultée. Malgré lui, plaide-t-il. Pourra-t-elle encore supporter tout ça ? Elle aura quarante ans le 3 janvier. Elle se promet d'avoir décidé pour son anniversaire. Une lecture édifiante: l'auteur décortique les mécanismes d'emprise qui conduisent à la violence. Eclairant et glaçant.
-Apeirogon ****: Rami Elhanan est israélien, fils d'un rescapé de la Shoah, ancien soldat de la guerre du Kippour ; Bassam Aramin est palestinien, et n'a connu que la dépossession, la prison et les humiliations. Tous deux ont perdu une fille dans le conflit. Abir avait dix ans, Smadar, treize ans. Passés le choc, la douleur, les souvenirs, le deuil, il y a l'envie de sauver des vies. Eux qui étaient nés pour se haïr décident de raconter leur histoire et de se battre pour la paix. Afin de restituer cette tragédie immense, ce conflit infini, et de rendre hommage à l'histoire vraie de cette amitié, Colum McCann nous offre une œuvre totale à la forme inédite. Compte tenu de l'actualité, je voulais me plonger dans ce (gros) livre, j'avais peur qu'il soit un peu indigeste, j'avais tort! Le style est alerte et ancré dans le réel plutôt que donneur de leçons. Profondément humaniste, il prend le parti des Hommes et nous donne l'espoir d'une paix .
-Dans les forêts de Sibérie *: "Assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m'installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie. J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal. Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché de vivre dans la lenteur et la simplicité. Je crois y être parvenu. Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à l'existence. Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si la richesse revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence - toutes choses dont manqueront les générations futures ? Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu." Plutôt déçue par cette lecture, finalement assez statique. J'avais été emportée par "l'axe du loup", pas cette fois.
-Quelle n'est pas ma joie ***: Ce roman d'une vie vécue longuement à la place d'une autre mêle les surprises, la rancoeur, l'agressivité et la jalousie. Et les regrets : "Nous, qui ne sommes plus aimés, nous devons choisir entre la vengeance et la compréhension", écrit ainsi Ellinor. Ce livre est une apostrophe, à la fois exercice de deuil, de mémoire et de réflexion, où le "tu" donne une immédiateté nouvelle à la palette du grand écrivain qu'est Jens Christian Grøndahl. Inattendue et assez savoureux!
-La définition du bonheur ***: "Pour Clarisse, le bonheur n'existait pas dans la durée et la continuité (cela, c'était le mien), mais dans le fragment, sous forme de pépite qui brillait d'un éclat singulier, même si cet éclat précédait la chute." Ève et Clarisse ne se connaissent pas. À leur insu, un lien mystérieux unit ces deux femmes. La première habite New York, l'autre Paris. L'une s'épanouit entre une vie de famille stable et une modeste carrière de chef. L'autre, ogre de vie, passionnée d'Asie et grande amoureuse, porte en elle une faille qui annonce le désastre. Des années 1980 à nos jours, chacune, face aux aléas du destin, tente de préserver un bonheur impossible à domestiquer. Très bien.
-Une forme de vie ***: "Ce matin là, je reçus une lettre d'un genre nouveau." Ce roman épistolaire est très touchant. La forme est inhabituelle: l'auteure nous raconte sa relation épistolaire avec un correspondant (sans doute fictif) inattendu: un G.I. en poste en Irak. Un roman court mais une belle surprise.